Régionaux de Cross : Pour toi ‘Papa’

Championnat régional Cross IDF-Est

Aulnay-sous-bois dimanche 25/01/2015

Ce n'est plus un secret pour personne, je ne suis pas adepte des Cross, courses beaucoup trop rapides pour moi et qui interviennent à une période où je reprends tout juste l'entrainement, tandis que les spécialistes sont des plus affûtés.

C'est dans un contexte personnel très particulier que j'abordais cette course, 3 jours après la disparition de mon Père. Même si je ne pouvais même pas prétendre à une qualification directe pour les LIFA, je tenais absolument à faire de mon mieux, pour en quelque sorte lui rendre un dernier hommage.

Paradoxe, anachronisme, illogisme ou je ne sais quoi encore, mes relations avec mon père n'étaient pas idéales, et à mon grand désespoir, jamais de son vivant il n'avait manifesté le moindre intérêt pour mes exploits sportifs. Jamais il ne m'avait félicité pour mes victoires ou réconforté dans mes défaites. Pourtant ce dimanche, je me sentais totalement habité par son esprit, comme si, pour la première fois de sa vie, il était là, à mes côtés, à m'encourager, à m'accompagner dans mon effort.

Malgré la fatigue accumulée durant ces 3 derniers jours, je me sentais plutôt bien à l'échauffement, ce qui est assez rare, mais ne signifie pas pour autant que je vais faire une bonne course ! J'abordais ces championnats sans aucun stress, n'ayant de toute façon aucun objectif, la qualification étant illusoire, je souhaitais simplement me rapprocher un peu des collègues que j'entraîne au club et qui m'avaient mis une jolie correction aux départementaux.

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Dès le départ je me cale sur mon rythme, ne m'occupant pas des autres, je me retrouve donc d'entrée en plein milieu du peloton, j'aperçois devant moi mes collègues qui me prennent déjà quelques mètres. Au bout de 300m le chemin se rétrécit et nous abordons pour la première fois la grosse côté, une sorte de mur, pas très long mais bien raide. J'ai été bien inspiré de mettre les pointes (je ne les avaient pas sorties depuis 3 ans !) car sans elles j'aurais eu grand mal à grimper en haut de cette butte !

Usant de mon sens de la trajectoire je parviens à me faufiler dans la foule et parviens, sans m'en rendre compte, à dépasser Moustapha (ça en fait déjà un derrière moi !). Malgré la côte, le premier km est avalé à 15 km/h. Pourtant, j'ai pas l'impression d'aller très vite et poursuis sur ma lancée sur le long secteur plat qui suit. J'avance mécaniquement, sans vraiment réfléchir et par moments mes pensées vont vers mon père. Je me dis alors, ne lâche rien, vas au bout de ton effort, donnes tout ce que tu peux, fais ça pour lui.

Rapidement, je me rends compte que je ne suis qu'à une vingtaine de mètres derrière José, qui est accompagné par Fred. C'est une longue histoire entre José et moi, nous avons débuté au club la même année et depuis on se tire la bourre, même si les occasions sont assez rares car nous ne visons pas les mêmes formats de course habituellement !

Je me dis alors que je vais essayer de les suivre, de ne pas perdre trop de terrain, car 2 semaines auparavant, j'avais pris plus d'1'30" dans les dents !

Mais alors que je pensais me faire distancer progressivement, c'est l'inverse qui se produisit, tout doucement, mètre après mètre je grignotais mon retard. A la fin du premier tour, je n'étais plus qu'à une longueur de ce duo.

Je restais sagement derrière dans le second passage de la côte pour m'économiser. Mais une fois la descente passée, je me suis senti pousser des ailes, et me suis mis à y croire. Ce fût alors le début d'une autre course, d'un autre combat, d'un nouvel objectif. Ma victoire à moi serais de pouvoir terminer devant eux, (devant José principalement), je me suis dis que j'allais faire cela pour mon père et qu'il n'était pas question d'échouer dans cet ultime hommage symbolique.

Revenu à leur hauteur sans forcer, je poursuis ma route sur le même tempo, s'ils parviennent dans un premier temps à s'accrocher derrière moi, au fil des kilomètres je prends un peu de marge, quelques mètres ou quelques dizaines, je ne sais pas exactement car à aucun moment je ne me retourne. Pour juger de mon avance, je me fie aux encouragements des supporters du club, au bruit des pas...

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A l'abord du 3ème et dernier tour, je sens la fatigue qui arrive, mon rythme s'en ressent, mais je ne lâche rien. Au moindre signe de faiblesse, j'ai l'image de mon père qui apparaît et me dis que je n'ai pas le droit de flancher, pas maintenant, il faut que je tienne jusqu'au bout !

Je sais que sur le plat je peux encore maintenir un rythme correct, autour des 14 km/h, mais le dernier passage de la côte risque de laisser des traces. Je prends le parti de m'économiser sur cette dernière difficulté, quelques coureurs en profitent pour me dépasser, mais peu m'importe, je dois en garder un peu sous le pied au cas où...

Dernière descente, il ne reste plus que 300m avant l'arrivée, un autre coureur parviens à me dépasser. A 200m grâce aux encouragements de Christine je comprends que José est revenu tout près de moi. Un rapide coup d'oeil et je l'aperçois, à moins de 10m derrière moi !

Je relance une première fois, sans vraiment parvenir à le décrocher, en quelques fractions de secondes, de nombreuses idées se bousculent dans ma tête, une nouvelle fois l'image de mon père me réapparaît. Comment pourrais-je échouer si près du but que je m'étais fixé ? C'est tout simplement inconcevable ! J'ai beau avoir tout donné, être allé au bout de moi même, je ne peux envisager de me faire coiffer sur la ligne d'arrivée, j'aurai l'impression de ne pas avoir tenu la promesse que je m'étais faite quelques minutes auparavant !

Dernier virage, je sens toujours la présence de José sur mes talons, un dernier 100m, une dernière ligne droite vers la joie d'avoir rempli ma mission ou vers la déception ? Malgré la douleur et la fatigue, je me lance alors dans un sprint effréné, à plus de 20km/h. José ne peux pas suivre, je sais que c'est mission accomplie, mais je ne relâche en rien mon effort, je rattrape le concurrent qui m'avait dépassé quelques centaines de mètres plus tôt, et le dépose sur place à seulement quelques mètres de l'arrivée !

Merci à José (au centre)
Merci à José (au centre)

Je termine ce cross à une anecdotique 117ème place, à seulement 6'30" du vainqueur, ce qui pour moi restera malgré tout mon meilleur résultat sur des régionaux de cross ! Mais le plus important pour moi était ailleurs, je termine 5ème du club de Livry, devant mes collègues d'entrainement, devant José qui en quelque sorte est un peu ma valeur de référence sur les courtes et moyennes distances.

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J'en ressors avec la satisfaction d'avoir rempli cet objectif personnel, qui pour moi, sonne comme une victoire, d'avoir réussi ce qui 15 jours plus tôt aurait été tout simplement impossible. Mais surtout de l'avoir fait en hommage à mon Père.

Car même s'il ne l'a jamais compris, si je ne me le suis jamais avoué non plus, je puisais en lui, indirectement, une partie de la rage qui m'anime et m'aide à avancer dans la vie. Ces différences qui nous opposaient, cette indifférence qu'il m'affichait étaient autant d'éléments constitutifs de ma force.

Aujourd'hui son absence me laisse un grand vide, je ne soupçonnais guère toute l'importance de ce qu'il a pu, bien malgré lui, m'apporter, car même si nos relations étaient froides, même si nous ne sommes jamais parvenu à nous parler, je ne serais pas ce que je suis aujourd'hui sans lui, sans l'influence que cette relation a eu sur moi.

Je suis fier d'être ton fils, merci PAPA !!

je-suis-ton-fils

 

 


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