La Pastourelle 2015 : l’Esprit trail

La Pastourelle - Le grand Cirque

Salers - samedi 23 mai 2015

Préambule...

Si une course en France mérite de représenter ce qui, selon moi, correspond à l'"Esprit Trail", cela serait sans aucun doute la Pastourelle qui emporterait ce titre ! Car, non content de se dérouler dans un cadre idyllique, sur un parcours parmi les plus beaux qu'il m'ai été donné de voir, cette Pastourelle a un petit quelque chose en plus.

Ce sentiment de liberté qui est la base de l'"Esprit Trail" : liberté de courir comme bon nous semble, liberté de partir les mains dans les poches ou bien avec de quoi tenir un siège, liberté de courir avec ou sans assistance, avec pour seule limite celle que l'on se fixe dans le respect de soi-même, de la nature et des autres concurrents.

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Un règlement on ne peut plus simple, qui a fait ses preuves depuis 17 ans maintenant et qui devrait servir de modèle à tous les organisateurs qui n'ont de cesse de tuer l'Esprit trail avec des règles aussi contraignantes qu'impossible à mettre en application. Des règles dont le but est de soi-disant mettre tout le monde sur un même pied d'égalité. Mais soyons réalistes, même si je suis le premier à fustiger le choix des fédérations de séparer les "pros" du reste du peloton aux prochains Championnats du Monde, j'en reste pas moins convaincu qu'au départ d'une course il y a autant de motivations différentes que de coureurs. Je trouve absurde de vouloir imposer les mêmes contraintes aux premiers et aux derniers.

Alors oui, pour moi la liberté, c'est le libre arbitre, c'est le choix qu'à chacun de prendre ou pas une frontale, une veste, ou tout autre matériel, c'est le choix d'avoir ou pas une assistance aux ravitos.

Merci aux organisateurs de la Pastourelle de nous traiter comme des adultes responsables et non comme des gamins à qui on doit tout expliquer, tout imposer. Merci de faire en sorte que cet esprit de liberté puisse perdurer dans le temps.

Mais trêve de considérations philosophiques, passons à la course !

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Le récit de la Pastourelle 2015

C'est en plein centre du petit village médiéval de Salers que le départ de cette grande fête sera donné. Il n'est que 8 heures du matin et pourtant l'effervescence est grande et les gens nombreux venus assister au départ de la course !

Pour ma part, je ne sais pas vraiment sur quel pied danser. D'un côté j'aurais absolument besoin de faire une grosse perf pour espérer rattraper mon classement au TTN 2015, et d'un autre je suis confronté à deux réalités :

- un profil très typé montagne, qui même si je les adore, sont très loin d'être mon terrain de jeu le plus favorable

- un état physique incertain, dû aux conséquences de mes déboires sur le Trail Yonne

Mais quoi qu'il puisse arriver, au delà de mon esprit de compétition qui m'anime habituellement, c'est avant tout le plaisir d'être là, de participer à cette fête, d'avoir la chance de profiter de ce parcours magnifique qui me motive.

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Je prends un départ prudent, mais néanmoins assez rapide pour rester à portée du groupe de tête alors composé d'une quinzaine de coureurs. A la sortie du village, je suis toujours au contact, les jambes répondent bien et je me prends à rêver d'une belle performance. La route commence à s'élever doucement, mais je parviens à maintenir ma position sans trop de difficultés.

Je tiendrai ainsi pendant... environ 3 km avant que nous abordions la première grosse montée. Première côte de la course, mais également première côte de l'année !! Si d'habitude j'ai beaucoup de mal à mettre la machine en route, là il faut carrément la dépoussiérer !!

En seulement quelques centaines de mètres, tous mes espoirs d'exploit s'envolèrent... abordant la difficulté aux environ de la 20ème place... j'en ressortirai bien au delà de... la 80ème.

A ce moment, je change mon fusil d'épaule, oublions le classement, oublions la performance... et place uniquement au plaisir, à la joie de communier avec cette nature majestueuse.

Si j'ai bel et bien abandonné toute revendication au classement général, il est impossible de chasser totalement le naturel et j'en reste pas moins concentré sur mon plan de marche. Car si au classement je suis à la rue, je suis toujours dans mon rythme, voir même un peu en avance sur mes prévisions !

La pente se fait un peu moins rude et je peux reprendre une allure un peu plus normale, même si le profil reste globalement ascendant, quelques petits replats permettent de reprendre son souffle et rattraper quelques places. Cependant les chemins ne sont guère roulant, nous sommes maintenant dans les estives et il faut être vigilant car les chemins sont très cabossés, marqués par le temps et le passage des troupeaux qui laissent de nombreux trous et ornières.

Nous arrivons déjà au col de Néronne, j'y passe en un peu plus de 58'... soit environ 4'30 d'avance sur mon planning ! Finalement le niveau doit être bien plus élevé que je ne l'imaginais, car je suis à ma place... ce sont juste les autres qui sont plus forts !

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Au passage du col, premier ravitaillement éclair réalisé par Péline qui m'encourage tant qu'elle peux et je repars à l'assaut de la montagne. Encore environ 3 km de montée avant d'entamer la descente vers le petit village du Falgoux.

La descente, raide et relativement technique n'offre guère la possibilité de s'exprimer. Pourtant la bête aimerait bien pouvoir lâcher un peu les chevaux, mais est vite calmée par un petit rappel à l'ordre sans conséquence où la cheville droite ploie mais ne romps point ! La fin de la descente est plus facile et permet d'accélérer un peu, mais là encore je butte sur une pierre et ne sait pas comment je fais pour réussir à redresser la barre et éviter une chute douloureuse dans les cailloux !

Pas le temps de s'endormir que le chemin recommence déjà à monter à l'approche du ravitaillement du Falgoux ! Je me régale et profite au maximum de ce parcours et des paysages, tout en restant le plus concentré possible, je ne suis plus dans la recherche obsessionnelle de la performance. Au ravito je prends même le temps de me déchausser pour chasser un vilain petit caillou venu se réfugier au fond de ma chaussure ! Cela sera un effort inutile, puisque seulement quelques kilomètres plus loin un autre petit caillou viendra prendre la place du précédent... mais cette fois je ne m'arrêterai point !

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Passé cet interlude qui m'aura coûté une petite minute et quelques places, nous abordons maintenant la côte la plus longue et difficile du parcours : une montée de quasiment 5 km pour la bagatelle de 800m de D+ ! Il va falloir s'armer de patience, et si je me sens mieux que lors de la première ascension, je ne suis pas pour autant très efficace, même si je parviens malgré tout à grappiller quelques places au fil des kilomètres. De toute évidence j'ai beaucoup de travail à réaliser dans le secteur de la marche rapide en côte.

Je craignais beaucoup au niveau des mollets que j'avais martyrisés dans l'Yonne mais fort heureusement aucun signe de faiblesse de ce côté, ce qui me laisse la possibilité de lâcher les watts sans appréhension. Mais si les mollets sont ok, il n'en est pas de même des cuisses qui commencent à chauffer gentiment, peu habituées qu'elles sont à subir de tels outrages.

Nous atteignons maintenant les estives, qui en plus d'être complètement défoncées sont très exposées au vent. Un vent glacial qui me fais regretter d'être parti en manches courtes. Plus j'avance et plus le froid devient saisissant ! Je commence même à douter, à me demander comment je vais bien pouvoir réussir à aller au bout dans de telles conditions. Heureusement pour moi, j'avais quand même eu la bonne idée de partir avec un coupe-vent, certes léger, mais au combien salvateur en ces moments.

C'est là que la montagne nous rappelle qu'elle est la plus forte et qu'il ne faut jamais la sous-estimer ! Mal m'en a pris de croire qu'en cette fin de mois de mai il ferai beau et chaud. Ce n'est pas du tout le cas. Si je profites de quelques instants de répit lorsque nous avons la chance de nous retrouver à l'abris du vent, je crains vraiment ce qui m'attend au sommet du Puy Mary d'ici quelques kilomètres !

Je n'ai qu'un espoir, c'est que le t-shirt manches longues que j'avais négligemment oublié au fond de mon sac à dos y soit encore et que je puisse ainsi le récupérer avant la montée vers le sommet, car dans le cas contraire cela risque vraiment d'être compliqué ! Cela serait vraiment trop bête de devoir s'arrêter à cause d'une telle négligence !

Nous évoluons maintenant sur les crêtes, dans les estives mais je ne peux guère profiter du panorama, pourtant majestueux qui s'offre à moi. En effet, il n'y a pas vraiment de chemin et nous évoluons à flan de montagne dans un terrain très piègeux où les nombreux trous imposent une vigilance extrême faute de quoi je pourrais rapidement y laisser une cheville. Difficile d'aller très vite dans ces conditions, malgré tout, hormis le froid qui me rappelle à l'ordre de temps en temps, je me sens plutôt bien, tous les cadrans sont au vert et je suis largement dans le rythme prévu.

J'arrive enfin au 30ème km et quel soulagement lorsque j'aperçois Péline qui tient dans ses mains mon fameux t-shirt à manches longues dont je rêvais tant depuis près d'une heure maintenant !! Je m'arrêtes quelques instants pour enfiler ce t-shirt salvateur par dessus sac et coupe-vent ! Tout de suite je me sens beaucoup mieux et pourrais aborder la suite plus sereinement.

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Une petite descente pour contourner le Puy Mary puis c'est reparti pour une longue ascension. La première partie est plutôt roulante et je peux même de temps à autre trottiner un peu ! La partie finale est quant à elle beaucoup plus sèche et balayée par ce vent glacial. Heureusement que j'ai eu la chance de pouvoir me couvrir, car sinon je ne sais pas ce qu'il serait advenu de moi.

Plus l'on se rapproche du sommet et plus cela devient raide ! Il devient même nécessaire de poser les mains pour terminer les derniers mètres ! Mais voilà c'est fait ! Une fois en haut je pousse un ouf de soulagement en me disant que le plus difficile est fait ! Le vent est terrible, je suis obligé de retirer ma casquette de peur qu'elle ne s'envole.


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La descente du Puy Mary se fait sur une sorte d'escalier entièrement bétonné, plutôt désagréable car les marches sont hautes et les cuisses commencent à sérieusement souffrir. J'y vais prudemment, au risque de perdre un peu de temps, mais je n'ai pas le choix. Péline m'attend au bas de cet escalier pour ce qui, je ne le sais pas encore, sera mon ultime ravitaillement.

Il s'en suit une descente assez douce sur les bords de la départementale, 2km environ de répit, histoire de progressivement reprendre mon rythme... et rattraper encore un ou deux concurrents au passage. Brève pause avant de repartir à l'assaut d'une nouvelle montée. Si sur le papier le plus difficile semble être derrière, la réalité est toute autre ! Les cuisses déjà bien éprouvées donnent quelques signes de faiblesse rendant l'ascension difficile !

Et ne parlons pas de la relance une fois arrivé en haut, qui se fait elle aussi bien délicate, d'autant que les chemins ne sont guère propices aux accélérations, toujours criblés de trous avec lesquels il faut jongler en permanence. Les chevilles aussi commencent à ne plus réagir correctement et je dois être encore plus vigilant. Il me faut prendre mon mal en patience, je sais qu'il ne reste plus que 2 grosses montées avant d'aborder la redescente vers Salers.

Mais qu'elles vont être longues ! D'autant plus que nous nous retrouvons maintenant nez à nez avec les randonneurs, partis dans le sens inverse, et qui le plus souvent prennent la meilleure, voire seule, trace disponible, nous obligeons encore plus à passer dans les 'trous à vaches' ! Je ne suis plus du tout dans mon tempo et perds de grosses minutes dans les côtes, et ne regagne rien dans les descentes ! La troisième féminine, que j'avais dépassé juste avant l'ascension du Puy Mary, est revenue sur moi et nous faisons plus ou moins route ensemble : elle devant dans les côtes et moi qui la rattrape dans les descentes...

Je n'ai qu'une hâte : arriver en haut du Puy Violent qui marquera le début de la descente. Mais là encore la montée se fait rude dans sa partie finale, m'obligeant par endroit à mettre les deux mains, pour me hisser, presque à quatre pattes, de roche en roche. Au sommet je suis une nouvelle fois rejoins par la damoiselle. La descente du Puy Violent est très raide et je dois laisser filer la damoiselle. J'ai presque autant de mal à redescendre qu'à monter et je progresse au ralenti. Cuisses et chevilles ont été menés à rude épreuve et je dois les ménager.

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Heureusement pour moi, la partie raide ne dure que quelques centaines de mètres, et rapidement le chemin deviens plus large et praticable, malgré la présence de nombreux cailloux qui m'obligent encore à la plus grande vigilance. Petit à petit je retrouve mon rythme.

Nous atteignons le parking du Puy Violent, où se tient le prochain ravito. Je n'y retrouve pas Péline, elle n'a pu se rendre sur les lieux car certaines routes ont été coupées pour le passage des courses VTT. J'hésite quelques instants à m'arrêter pour remplir mes bidons. Un rapide état des lieux : il me reste encore quelques réserves, peut-être 25-30 cl, et de plus je sais qu'il y a un dernier point de ravito à Saint-Paul, en bas de la descente.... je prend donc la décision de poursuivre, sans marquer de pause.

L'occasion de repasser 3 concurrents, dont la féminine ! La descente est maintenant beaucoup plus facile et roulante, tout d'abord sur environ 2 km de route avant de couper à travers champs. L'occasion de dire bonjour à un troupeau de vaches Salers, qui heureusement pour moi ne se trouvaient pas au milieu de mon chemin.

Malgré mes cuisses qui me font bien souffrir je suis maintenant sur un rythme proche des 14 km/h, au fur et à mesure de la descente je rattrape encore quelques concurrents. Nous sommes maintenant sur une piste forestière très large, mais un brin caillouteuse qui ne manque pas de solliciter les chevilles... mais qui me permet néanmoins de maintenir ce rythme.

Cette longue descente s'étend au total sur près de 9 km et au rythme où je vais, j'ai tôt fait de rattraper le retard que j'avais pris sur mon plan de marche et même de prendre un peu d'avance. Néanmoins, tout n'est pas terminé car il reste encore une dernière difficulté et de taille !

Saint-Paul de Salers, dernier point ravitaillement et plus que 2 km à parcourir, mais quels kilomètres !! J'ai quasiment épuisé mes réserves d'eau, mais je décide néanmoins de prendre le risque de continuer sans m'arrêter, après tout l'arrivée est toute proche !

Au loin j'aperçois la seconde féminine... une 'vieille' connaissance puisqu'il s'agit de la demoiselle avec qui j'ai bataillé pendant plusieurs heures lors des derniers championnats de France. Elle est accompagnée par un petit groupe de 6-7 coureurs, je me dis alors que je pourrais peut-être les rejoindre.

Au détour d'un champs, je passe du mauvais côté de la clôture, ce qui m'oblige à l'enjamber... et au passage à me prendre une bonne petit châtaigne qui me secoue toute la jambe... ça réveille, mais à ce stade de la course, je m'en serai bien passé !

Nous abordons alors la terrible montée finale : près de 200m de D+ en un peu moins d'1,5 km... Comme les autres, je suis cuit ! Mais je ne renonce pas, je monte le plus vite que je le peux, je rattrape d'abord deux coureurs, puis quelques centaines de mètres plus loin, alors que nous évoluons sous les remparts de la ville, j'en rattrape deux autres.

Me voilà aux portes du village, il doit rester environ 300m à parcourir, quand j'aperçois derrière moi un coureur qui reviens fort. Me voilà contraint d'accélérer, de puiser dans mes dernières réserves pour éviter l'affront de me faire déposer sur la ligne. Je relance une première fois, prends quelques mètres d'avance, mais mon adversaire ne renonce pas ! dernier virage, une centaine de mètres encore, et obligé d'en remettre une couche ! Cette fois sera la bonne, au prix d'un énorme effort je me débarrasse définitivement de mon poursuivant !

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Je franchis la ligne d'arrivée et savoure cet instant spécial, peut m'importe mon classement, je suis heureux d'être venu à bout de cette magnifique épreuve. Et même si j'ai bataillé pour conserver ma position, le plus important pour moi est le plaisir que j'ai pris à faire cette course, je suis presque triste que cela soit, déjà, terminé !

Probablement l'un des plus beaux parcours que j'ai eu la chance de faire, une organisation irréprochable et un plaisir énorme ! Pour l'anecdote je termine à une lointaine 54ème place en 6h04'21". Mais quelle course !! Pour une fois le plaisir est plus important que le résultat ! Je suis en dehors des clous, définitivement plombé au classement du TTN... mais qu'est ce que je m'en fous !! Il ne me tarde que d'une chose : revenir l'an prochain pour participer à la prochaine édition !


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